Oui, je l'avoue, pour L'Amour nègre*, je me suis shooté. Pas au vin rouge ou au whisky (bien que les deux coulent à flot dans le livre). Je suis un médiocre buveur. Sans doute un reste de mon éducation protestante. Nul n'est parfait. Plus sûrement une incapacité physique à ingurgiter des litres de bibine Je ne me suis pas défoncé non plus à la coke ou à l'héro. Ayant, depuis toujours, une sainte horreur (terreur) des poudres qu'on renifle ou qu'on s'injecte. Je n'ai aucun mérite : cela ne me tente tout simplement pas. Quant au canabis, que toutes mes voisines font pousser amoureusement sur le rebord de leur fenêtre, c'est à peine si j'y ai touché.
Non. Le vrai shoot, le grand shoot, c'est la musique. Victor Hugo interdisait qu'on mît ses vers en musique. En quoi, d'ailleurs, il a eu tort, si l'on pense aux sublimes poèmes que Brassens a mis en musique (Gastibelza, La Légende de la nonne). La musique, dans le livre, est partout. Il y a plus de cent titres cités, la plupart anglo-saxons (nous vivons à l'ére de la globalisation). Et chaque titre est essentiel. Soit comme bande-son d'une rencontre ou d'une scène entre plusieurs personnages. Soit comme bruit assourdissant qui empêche toute communication et tout dialogue. Soit comme incitation à la rêverie ou aux retours aux sources (The Dock of the Bay, Otis Redding, 1968). Soit comme moment de communication au-delà du langage.
Parmi tous ces titres, qui forment la bande musicale du livre, il y en a un que j'ai dû écouter environ dix mille fois. Qui m'a shooté et inspiré. Redonné courage quand le livre s'enlisait et littéralement boosté pour certaines scènes de dialogues. Ce morceau, c'est Delicado, de Waldir de Azevedo, un musicien de samba très connu dans les années 50. Il en existe plusieurs versions instrumentales sur You Tube (voir ici). Mais la version que je préfère, c'est indiscutablement celle, funky, irrésistible, de Ramiro Musotto et son orchestra Sudaka, avec, en invités, le génial pianiste africain Omar Sosa, et le non moins génial Mintcho Garrammone (qui joue de cette petite guitare appelée cavaquinho). C'est grâce à l'énergie joyeuse de ce morceau que je suis parvenu au bout de l'odyssée de L'Amour nègre. Alors silence ! Enjoy !
* Sortie en librairie samedi 9 octobre.

À cette occasion, le comédien Carlo Brandt lira des extraits de L’Amour nègre.
Ici l'hiver ressemble au paradis. Il se décline en jaune. Brun délavé. Avec des couches d'un bleu cobalt intense. La lumière tombe à la verticale. Le vent souffle en bourrasques tièdes. La mer est oubliée. On roule dans le désert depuis deux heures. La Vallée de la Mort. Au début je croyais que c'est là que les Blancs enterraient leurs ancêtres. Chez nous on les enferme dans des grottes. Ou on les brûle. On conserve leur crâne dans le sel et le salpêtre. Mais Matt m'a expliqué que la Vallée n'est pas un cimetière. Il n'y a pas de nécropole ou de charnier.